Par Laurent LAPORTE
Co-Président de l'Harmonie du Cap de Gascogne
Jeudi 30 juin 2016. Le maire de Saint-Sever veut sortir du Conservatoire. Parmi les choses qu’on peut lire ou entendre çà et là, certaines sont justes, d’autres pas. Certaines sont dites, d’autres pas. Allons-y crescendo par ordre d’importance.
Puisque nous sommes cités dans le blog Channel40500, je voudrais corriger que «L’Harmonie du Cap de Gascogne» n’est pas une harmonie municipale, mais une association loi 1901 qui bénéficie de subventions de la Ville de Saint-Sever, un peu comme la nouvelle école de musique dont le nom ressemble à s’y méprendre au nôtre. Merci donc de ne pas confondre.
Élitisme
Toujours dans le blog Channel40500 je lis «un enseignement musical moins élitiste devrait permettre à un plus grand nombre d'enfants d'apprendre à jouer d'un instrument et intégrer ainsi bandas ou harmonie municipale», ce qui me pose deux problèmes.
Toujours dans le blog Channel40500 je lis «un enseignement musical moins élitiste devrait permettre à un plus grand nombre d'enfants d'apprendre à jouer d'un instrument et intégrer ainsi bandas ou harmonie municipale», ce qui me pose deux problèmes.
Le premier c’est qu’on montre du doigt le «Conservatoire». Certes, le terme est pompeux et un peu effrayant, mais il s’agit en réalité d’un changement de nom en 2007 de ce qui s’appelait auparavant «Ecole Nationale». Pas de quoi fouetter un technicien de surface, en somme. L’enseignement qui y est dispensé n’a rien d’élitiste et l’un de ses objectifs est au contraire de «favoriser les pratiques amateurs», comme cela est précisé dans la présentation sur le site du conservatoire des Landes (http://www.conservatoire40.fr).
Le deuxième problème, c’est ce que laisse sous-entendre un «enseignement moins élitiste». Pour apprendre la musique, un élève devra travailler. On peut utiliser des méthodes plus ou moins ludiques, archaïques ou modernes, mais un jour ou l’autre il faudra bien que l’élève apprenne la théorie (vive le solfège) et répète les exercices à la maison sur son instrument. Qu’il s’agisse de conservatoire, école municipale ou associative, cela n’y change rien, la qualité de l’enseignement doit être la même. Être «moins élitiste» c’est en réalité faire un pas vers la médiocrité.
Pas cher … mais bon ?
Venons-en au cœur du problème : «le conservatoire, c’est très cher». Les chiffres donnés par la municipalité sont 67700 € (j’arrondis) pour 42 élèves. Autre chiffre, en comparaison aux 1400 € du conservatoire, le coût d’un élève dans une école associative peut être compris entre 600 € et 800 €. Enfin … ça c’est la théorie … et nous allons le voir, pas tout à fait pour le même « service rendu ».
Comment ça se calcule ? Deux tarifs définis par le Conservatoire pour chaque cycle, le «tarif plein» et «tarif réduit». Par exemple 1432 € par an c’est le tarif plein pour un élève du premier cycle, 247 € c’est le tarif réduit. C’est ce que doit payer l’élève au conservatoire. Dans le cas du tarif réduit, c’est la commune qui paye la différence (1185 €). Multiplié par le nombre d’élèves (49 en début d’année à Saint-Sever), ça donnerait dans les 58000 €, si les élèves étaient tous au premier cycle (ce qui n’est pas le cas, c’est juste pour expliquer et faire une grossière estimation).
Lorsque l’école est municipale ou associative, le mode de calcul est sensiblement le même, souvent la commune définit trois niveaux de participation selon que l’élève habite la commune, fasse partie de l’agglo ou soit extérieur. 67700 € pour 42 élèves (ou 58000 € pour 49 élèves selon mon calcul approximatif), comparé aux 62000 € pour 1800 licenciés sportifs, ça fait effectivement une grosse différence … mais si on rajoute là-dedans l’entretien des infrastructures et les coûts de fonctionnements pris en charge par la ville dans chacun des domaines, l’écart doit se réduire quelque peu.
Il faut aussi considérer que si une partie de l’apprentissage de la musique (solfège) est faite de manière collective comme dans beaucoup de sports, les cours d’instrument, en revanche, sont individuels. Un cours particulier, en quelque sorte, donc plus coûteux qu’un cours collectif.
La nouvelle école de musique coûtera-elle beaucoup moins cher à la ville et aux parents ? «Oui» assure le maire. Bon … il avait également assuré l’année passée qu’il n’était pas question de sortir du Conservatoire et que les deux écoles (associative et conservatoire) allaient coexister. Après tout, les promesses n’engagent que ceux qui y croient.
Comparons maintenant le coût du Conservatoire avec celui de l’école associative. En partant des 42 élèves actuels, nous avons vu que cela coûtait 67700 € à la ville avec le Conservatoire. Pour ce même nombre d’élèves avec l’école associative cela coûterait (théoriquement) autour de 30000 € ! C’est extraordinaire ! Soit cette association, peu expérimentée dans le domaine de l’enseignement musical, a trouvé une solution révolutionnaire, soit y’a un loup.
Dans l’enseignement scolaire un professeur est rémunéré pour les heures de cours qu’il passe avec ses élèves, mais également pour les heures de préparation de ces cours. C’est la même chose pour l’enseignement musical. De plus, les heures de cours peuvent être disséminées dans la semaine (un cours de trompette le lundi soir, deux le mercredi et trois le samedi par exemple) et multiplient d’autant les frais de déplacement. Cela est-il bien pris en compte dans le calcul de la nouvelle école ?
Le Conservatoire peut prêter l’instrument les deux premières années d’apprentissage. C’est bien pratique et surtout sécurisant pour les parents lorsque le gamin un beau jour annonce «j’veux plus faire sasso, j’veux faire trombone» ou bien «j’veux plus faire de musique». La nouvelle association proposera-t-elle aussi ce prêt d’instrument ou bien ce sera aux parents d’en assurer l’achat ? Dans le premier cas il y aura probablement des frais de remise en état lorsque l’instrument passe d’un élève à l’autre. Quelques prix d’instruments d’étude (milieu de gamme), à titre d’information : clarinette ou trompette 600 €, saxo 1000 €, trombone et flûte entre 500 € et 1000€, hautbois 1500 €. C’est un peu plus cher qu’une paire de crampons …
Pour pouvoir assurer les cours, il faudra également investir dans des instruments de percussion et autres pianos qui ne font pas partie des petits budgets. Le maire cite des municipalités des Landes qui sont «sorties du Conservatoire» avec succès. A mon sens au moins deux de ces exemples sont des contre-exemples. Montfort en Chalosse: Ecole associative. Coût d'un élève qui pratique un instrument et joue à l'orchestre junior : 690 € par an. La municipalité participe à 30 %, les parents également (230 €). Mais la municipalité ne veut plus participer pour les élèves extérieurs à la commune, voir article du Sud-Ouest de juillet 2015. Dax : Ecole municipale, mais on retrouve un peu le même schéma : sortie du Conservatoire pour pouvoir pratiquer des tarifs abordables. Au début ça fonctionne … tant que la municipalité accepte de mettre la main à la poche pour aider les élèves extérieurs à la ville, mais ça ne dure pas. Les prix se maintiennent pour les élèves de Dax, mais augmentent fortement pour ceux de l’agglo et pour les extérieurs, s’approchant ainsi des tarifs pratiqués par le Conservatoire. Là non plus, pas de miracle: article de Sud-Ouest datant de 2014 concernant l’augmentation des tarifs.
C’est hélas un schéma qui se répète : pour convaincre de sortir du Conservatoire on propose des tarifs très attractifs… pour s’apercevoir quelques mois ou quelques années plus tard que ce n’est pas tenable. Les tarifs augmentent alors et la différence avec ceux pratiqués par le Conservatoire se réduisent. Exemple pour le cycle 1, première année d’instrument après un an de solfège (tableau ci-dessous):
Pour plus de précision notamment sur l’éveil et les autres cycles : Tarifs de Dax : http://www.dax.fr/conservatoire-municipal-de-musique-et-de-danse Tarifs du conservatoire des Landes : http://www.conservatoire40.fr/article/archive/545/ |
Les municipalités qui hébergent des écoles (qu’il s’agisse de conservatoire, d’école municipale ou associative) ont tendance à diminuer l’aide pour les élèves extérieurs à la commune. De son côté le Conservatoire va indexer les tarifs sur le quotient familial, la richesse par habitant et le nombre d’élèves dans les villes où il est implanté. Renseignement pris auprès du conservatoire, les tarifs devraient baisser pour Saint-Sever. Des 67.700 € actuels on passerait à 62 700 € pour l’année 2016-2017 et à 57.700 € pour l’année 2017-2018.
Quelle est la formation proposée ?
Toujours lu dans le blog Channel40500, la nouvelle association proposera des cours avec des professeurs diplômés, et « Grâce à la qualité de son enseignement, cette école associative a pour objectif de préparer les élèves qui le souhaitent à intégrer les conservatoires de 3e cycle ».
Toujours lu dans le blog Channel40500, la nouvelle association proposera des cours avec des professeurs diplômés, et « Grâce à la qualité de son enseignement, cette école associative a pour objectif de préparer les élèves qui le souhaitent à intégrer les conservatoires de 3e cycle ».
Je pense que je pourrais être un bon professeur dans cette école. En effet, j’ai déjà donné des cours de saxophone dans un village voisin, et j’avais mon brevet des collèges.
Professeur de musique, ça va du musicien plus ou moins compétent, au titulaire d’un diplôme pour l’enseignement musical. Certains ont un prix de conservatoire et chercheront à valoriser le diplôme qu’ils ont obtenu, d’autres ont un prix discount. Certains vont d’école en école, ils savent jouer de tous les instruments et aucun à la fois, et quand une municipalité ou une association a du mal à trouver des profs compétents et pas chers pour son école elle prend ce qui se présente, en préférant le discount à l’ « élite ». Il peut arriver de tomber sur un cheval de course pas cher ou au contraire sur un tocard à prix d’or, mais en règle générale on en a pour son argent.
Michel Garcia
Reste le problème épineux de Michel Garcia, qui est à la fois employé municipal, Directeur de l’antenne du conservatoire de Saint-Sever et professeur à Saint-Sever depuis plus de 30 ans. Il a été un des acteurs majeurs de l’implantation du Conservatoire dans les Landes et aujourd’hui on lui demande détruire ce qu’il a construit. Ben tiens … tant qu’on y est, pourquoi-pas demander au maire d’écrire le programme de son concurrent aux prochaines municipales ? Quelle place sera donc réservée à Michel Garcia dans cette nouvelle école de musique ? Un poste de Directeur qui aura le pouvoir de recruter les professeurs qu’il souhaite ? Rien n’est moins sûr…
Reste le problème épineux de Michel Garcia, qui est à la fois employé municipal, Directeur de l’antenne du conservatoire de Saint-Sever et professeur à Saint-Sever depuis plus de 30 ans. Il a été un des acteurs majeurs de l’implantation du Conservatoire dans les Landes et aujourd’hui on lui demande détruire ce qu’il a construit. Ben tiens … tant qu’on y est, pourquoi-pas demander au maire d’écrire le programme de son concurrent aux prochaines municipales ? Quelle place sera donc réservée à Michel Garcia dans cette nouvelle école de musique ? Un poste de Directeur qui aura le pouvoir de recruter les professeurs qu’il souhaite ? Rien n’est moins sûr…
Conclusion
Au jour où j’écris ces lignes, dans l’ordre du jour du conseil municipal figure le point « nouvelle politique de l’enseignement musical de la ville de Saint-Sever ». Pour remplacer le Conservatoire, solution actuelle de type « clé en main » avec des professeurs diplômés, le maire propose une association inexpérimentée dans le domaine de l’enseignement musical, avec des professeurs diplômés mais pas d’élite, s’il en trouve pour la prochaine rentrée. Il souhaite ainsi faire baisser le coût par élève, à la fois pour le porte-monnaie des parents et pour les caisses de la ville. Pendant ce temps, le conservatoire baisse ses tarifs, surtout pour les familles modestes, et des municipalités qui sont « sorties du conservatoire » pour les mêmes raisons que Saint-Sever voient leurs tarifs augmenter fortement, parce que proposés trop bas initialement, et ce principalement pour les élèves extérieurs.
Au jour où j’écris ces lignes, dans l’ordre du jour du conseil municipal figure le point « nouvelle politique de l’enseignement musical de la ville de Saint-Sever ». Pour remplacer le Conservatoire, solution actuelle de type « clé en main » avec des professeurs diplômés, le maire propose une association inexpérimentée dans le domaine de l’enseignement musical, avec des professeurs diplômés mais pas d’élite, s’il en trouve pour la prochaine rentrée. Il souhaite ainsi faire baisser le coût par élève, à la fois pour le porte-monnaie des parents et pour les caisses de la ville. Pendant ce temps, le conservatoire baisse ses tarifs, surtout pour les familles modestes, et des municipalités qui sont « sorties du conservatoire » pour les mêmes raisons que Saint-Sever voient leurs tarifs augmenter fortement, parce que proposés trop bas initialement, et ce principalement pour les élèves extérieurs.
Il existe, fort heureusement, des écoles municipales ou associatives qui fonctionnement bien, mais la configuration est différente de celle de Saint-Sever (par exemple forte participation financière d’une association « amie »). Dans le contexte actuel, le choix du maire me paraît des plus hasardeux, et l’argument d’une économie à court terme ne tient pas, puisque pour sortir du conservatoire il faudra qu’il paie une pénalité de l’ordre de 50.000 €. - LL
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